On est bercé de croyances par rapport au pardon. Ça commence mal dès l’enfance : « demande pardon », comme si le pardon était une solution rapide et immédiate pour régler un problème. Tu te souviens quand tu continuais à en vouloir à Julie, même après lui avoir dit pardon ? Ou quand tu sentais que l’enfant morveux en face de toi te disait pardon sans le penser une seconde (voir avec un air de mépris, grrrr) ?
Et plus tard, tu as l’occasion d’expérimenter de nouveau le pardon : « Bon, certes, je t’ai trompée, mais je t’ai déjà demandée pardon 3 fois ! Passons à autre chose ! » Really ? La blessure que je ressens ne peut pas se refermer en quelques phrases entendues, ou quelques fleurs.
Le pardon véritable prend du temps. Et quand on me dit « tu pourrais tourner la page quand même ! », ben de quoi j’me mêle ? J’ai le droit de me sentir blessée et d’avoir besoin de temps, comme un sportif qui doit récupérer d’une blessure. On ne dit pas au sportif qui est en rééducation : « Quand même ! Ton corps pourrait faire un effort et récupérer plus vite ! Tes cellules déconnent ! » Il y a une pression par rapport au pardon, qui n’est, selon moi, pas justifiée. Le fait de mettre son énergie à « pardonner volontairement » ne sert à rien, tout comme je n’ai pas de pouvoir sur la vitesse de récupération de mes ligaments (là j’écris en mode fiction, par rapport à la problématique d’un sportif 😉 )
Parfois, le pardon peut sembler difficile à accorder. « C’est impardonnable ce qu’il t’a fait ! ». Tu es parfois entourée de juges de ta vie et de ton couple. Mais penser que quelqu’un ne mérite pas mon pardon, c’est aussi garder beaucoup de violence, de rancœur et autres sentiments négatifs en moi. Personnellement, je préfère utiliser mon énergie pour kiffer ma vie, cultiver la joie et des sentiments positifs.
Tant qu’il y a de la violence en moi, j’estime que j’ai des choses à travailler. Et ce n’est que ce travail qui me permet de me libérer réellement. On dit souvent qu’il faut se pardonner à soi d’abord. Et c’est vrai qu’on s’en veut en général, de s’être laissée blesser ou de n’avoir pas réagi plus tôt, ou d’avoir accepté des choses qu’on n’aurait pas dû accepter. En fait, c’est quand je n’ai pas été alignée avec moi-même que je me sens le plus blessée. Il m’est difficile de me pardonner.
Ma boussole personnelle pour savoir si j’ai pardonné à quelqu’un, est une paix intérieure que je ressens et qui me permet de me dire que la personne qui m’a blessée est devenue un non sujet. Le fait d’y repenser ne ravive plus aucune douleur et je ne suis pas dans l’auto flagellation, en mode « j’aurais dû » ou « ce connard ». Je m’en fous. Voilà pour ma vision. J’ai aussi voulu voir ce que certains auteurs en pensaient.
Jean Monbourquette explique dans son livre comment pardonner, pourquoi il est important de pardonner et quels sont les faux pardons.
L’importance du pardon dans nos vies
Sans pardon, nous devrions vivre dans un monde qui nous fait :
- Pérpétuer en soi-même et dans les autres le mal subi : « en vertu d’un mimétisme mystérieux plus ou moins conscient, on a tendance à se montrer à son tour méchant, non seulement envers l’offenseur mais envers soi-même et envers les autres. » Ainsi, tu pourrais faire subir à un futur amoureux le mal que ton mari t’a fait (oups ! Case cochée…). Ce n’est pas de la vengeance consciente, mais bien des « réflexes enfouis dans l’inconscient individuel ou collectif ». Et cette colère se transmet ensuite de génération en génération : « Fais attention aux hommes ma fille ! »
- Vivre dans un ressentiment constant : ou comment continuer à en vouloir à son ex-mari plusieurs années ou dizaines d’années après la séparation. Hello réactions démesurées, quand une blessure non guérie est réactivée, saupoudrée de stress constant. Le ressentiment fait que l’on reste sur ses gardes. Quand on me demande « est-ce que tu arrives à refaire confiance aux hommes ? », ma réponse est un grand oui ! Je ne me dis pas que tous les hommes sont des pourris. Jean Monbourquette dit que « le ressentiment et l’hostilité s’installent à demeure comme attitude de défense, toujours en éveil contre toute attaque réelle ou imaginaire » et c’est la voie pour devenir parano !
- Rester accrochée au passé : il est difficile de profiter du moment présent quand on ne fait que ressasser le passé. « Le moment présent s’égrène en rancœurs inutiles ; le temps passe sans bonheur ; la joie possible des relations personnelles s’estompe. L’avenir est bouché et menaçant ; plus de nouveaux liens affectifs, plus de nouveaux projets, plus de risques stimulants. » Ça ne donne pas vraiment envie…
- Se venger : La vengeance procure une jouissance intérieure de courte durée. Elle participe à nourrir une escalade dans la violence. « chercher à rendre la pareille à son offenseur fait entrer victime et bourreau dans un processus répétitif. » Jean Monbourquette rajoute que « L’obsession revancharde ne contribue en rien à guérir la blessure de l’offensé ; bien au contraire, elle l’envenime ». Pour lui, ne pas se venger, ne veut pas dire que l’on a pardonné, mais c’est un premier pas vers le pardon.
Les fausses conceptions du pardon
Pour réellement pardonner, il vaut mieux éviter de tomber dans les pièges des faux pardons :
- Pardonner n’est pas oublier : tourner la page, ou faire comme si ce qui nous est arrivé ne s’était pas passé, est juste du déni. Avec le pardon, « l’événement malheureux se fait de moins en moins présent et obsessionnel ; la plaie se cicatrice peu à peu ; le rappel de l’offense n’inflige plus sa douleur ».
- Pardonner ne signifie pas nier : « se cuirasser contre la souffrance et contre l’émergence des émotions » est une réaction fréquente. Se couper de soi, de son ressenti, c’est juste ne plus réussir à atteindre son cœur. Accepter sa colère est un premier pas pour la laisser partir et passer à autre chose !
- Pardonner exige plus qu’un acte de volonté : on en revient à l’illusion du pardon « magique et instantané de notre enfance ». La volonté est nécessaire, mais n’est pas suffisante. Jean Monbourquette précise que « toutes les facultés sont mobilisées dans le pardon : la sensibilité, le cœur, l’intelligence, le jugement, l’imagination, la foi, etc. »
- Pardonner ne peut être commandé : personne ne peut m’obliger à pardonner. « Il faut pardonner ». Je fais ce que je veux et ça se fera quand ce sera le moment.
- Pardonner ne veut pas dire se retrouver comme avant l’offense : les rapports ne seront plus jamais les mêmes et on peut pardonner sans se réconcilier avec la personne qui nous a offensée. Il n’est pas possible de revenir à la même situation qu’avant. Jean Monbourquette l’illustre bien : « Après avoir fait une omelette, peut-on récupérer les œufs ? » Et pour rester dans la thématique de la rupture, un homme qui te trompe et qui te dit que tu n’es plus comme avant, eh bien c’est normal ! Et il est illusoire de sa part, d’espérer un retour en arrière en toute simplicité…
- Pardonner n’exige pas qu’on renonce à ses droits : pardonner, ce n’est pas être ok avec le fait de ne pas réclamer sa part due, lors d’un divorce. « Je lui laisse tout, pas de problème. » Pour Jean Monbourquette, « cela semble de la générosité, mais c’est en fait une preuve de peur et de lâcheté. La justice n’a rien à voir avec le pardon ».
- Pardonner à l’autre ne veut pas dire l’excuser : si je pardonne à l’autre parce que j’estime qu’il n’est pas responsable, j’estime qu’il n’a pas fait exprès de me faire du mal. C’est tentant de le penser pour souffrir moins, « ce n’est pas de sa faute, il est stressé ». Nier la responsabilité de l’autre ne rend service à personne.
- Pardonner n’est pas une démonstration de supériorité morale : si quelqu’un te dit : « allez ! Je te pardonne ! », on pourra y noter de l’arrogance et « des airs de fausse grandeur ». « Ce faux pardon ne fait que maintenir une relation dominant-dominé. » Il est le contraire d’un vrai pardon qui se fait dans l’humilité.
Jean Monbourquette identifie 12 étapes pour pardonner. L’idée générale est de ne pas tomber dans les pièges, reconnaître ma blessure, ma colère, me pardonner à moi-même. Puis comprendre pourquoi l’autre a agi ainsi et le sens de ma blessure. Il sera important de ne pas m’acharner à vouloir me pardonner. Enfin, quand je le sentirai, je pourrai décider de mettre fin à cette relation ou bien la renouveler.
Frédéric Lenoir, dans son Petit traité de vie intérieure, parle joliment du pardon. Pour lui, « le pardon n’est ni rationnel ni juste, mais il nous procure joie et sérénité et il est la condition nécessaire à l’extinction de la violence. Pardonner, ce n’est pas oublier. C’est réussir à apaiser la blessure suscitée par autrui, dans un contexte, un environnement donnés, et à tout mettre en œuvre pour que la situation source de la blessure ne se reproduise plus. C’est toujours un choix profond, personnel, un acte du cœur, un acte spirituel, parfois inexplicable, et non dénué d’une certaine dimension mystique ».
Pardonner est un processus long, compliqué et personnel. Je t’invite à te féliciter si tu as commencé à prendre ce chemin ou si tu en as au moins l’envie.
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